PARIS (Reuters) - La défense de l'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel, jugé en appel à Paris pour une perte de 4,9 milliards d'euros en 2008, a demandé jeudi sa relaxe en le présentant comme un homme "normal" victime de la banque.
Ses avocats ont contesté le portrait de "pervers manipulateur" brossé la veille par l'accusation qui demande cinq ans de prison ferme. Les avocats ont contesté qu'il ait agi seul, maintenant la thèse d'un complot de la banque. La cour a mis sa décision en délibéré au 24 octobre.
Dans une plaidoirie de plusieurs heures, Me David Koubbi a estimé que la banque avait "pourri" l'âme du trader. Jérôme Kerviel a pris une dernière fois la parole pour nier tout délit.
"Ce qui m'a été volé, c'est quatre ans de ma vie, la santé de ma mère et mon nom. Je demande pardon aux salariés de la Société Générale qui ont vécu une période difficile. Je remercie mon équipe de défense", a-t-il dit.
L'audience a été mouvementée, puisque la cour a du interrompre Me Koubbi en pleine plaidoirie, Jérôme Kerviel étant victime d'un malaise.
David Koubbi, dont le visage était tuméfié à la suite d'une altercation la veille sans rapport avec le dossier, est venu ostensiblement à l'audience avec l'écrivain Tristane Banon.Il avait défendu l'an dernier la cause de cette jeune femme qui dit avoir été victime d'une tentative de viol de Dominique Strauss-Kahn en 2003. Le parquet a classé sans suite la procédure pour cause de prescription mais a jugé l'agression sexuelle établie.
Dans sa plaidoirie, David Koubbi a tenté un parallèle entre les deux affaires. "On dit Jérôme Kerviel, l'affaire Kerviel. Jérôme Kerviel que l'on prononce en un seul mot : Jérôme-Kerviel. C'est comme Tristane Banon : Tristane-Banon". Il estime qu'on a porté un regard erroné sur la Société générale comme on l'a fait sur l'ancien directeur général du FMI.
Ses proches ont applaudi sa plaidoirie à la fin. La présidente de la cour les a rabroués, déclarant : "On n'est pas dans une salle de spectacle".
CINQ ANS DE PRISON REQUISAuparavant, deux associés de David Koubbi avaient plaidé.
"On lui a fait jouer le rôle de lampiste. Jérôme Kerviel est un bouc émissaire. Jérôme Kerviel est un gentil garçon, un employé modèle, un homme honnête. Ce n'est pas un génie de la finance", a dit Me Benoît Pruvost.
"Jérôme Kerviel a été décrit comme un hamster dans sa roue. Il est sorti de sa roue et nous vous demandons aujourd'hui de le sortir de sa cage", a-t-il conclu.
Mercredi, l'accusation a demandé la peine maximale de cinq ans de prison ferme. L'avocat général a rappelé par ailleurs que la jurisprudence imposait en théorie à la cour d'imputer en totalité le remboursement du préjudice subi par la banque au prévenu, même s'il ne pouvait pas le payer.
Le jeune homme de 35 ans admet avoir pris des positions vertigineuses de 30 milliards d'euros en 2007, puis de 50 milliards en 2008, en les masquant par d'autres ordres fictifs censés couvrir le risque. Il admet aussi avoir répondu par des faux courriels aux interrogations sur son travail.
Le chiffre de 4,9 milliards d'euros de perte, atteint après le "débouclage" en urgence en janvier 2008 de ses positions à risque, reste à ce jour le plus élevé de l'histoire de la finance.
Après avoir soutenu à son premier procès que sa hiérarchie était au courant, il est passé à une autre version en appel. La banque l'aurait laissé perdre, couvrant ses pertes au sein d'un "desk occulte", dans l'idée de lui imputer les pertes qu'elle prévoyait sur les "subprimes", produits financiers liés aux crédits immobiliers américains à risque.
Aucune preuve n'a été présentée. L'accusation répond qu'il ment et considère qu'il a agi seul, avec le mobile psychologique d'être "plus fort que les marchés".
Aymeric Parthonnaud avec Thierry Lévêque, édité par Yves Clarissesource : Reuters