[ 31/01/08 ] - LES ECHOS -Le « Che » risque de se retourner dans sa tombe, au mausolée de Santa Clara, à Cuba. Passe encore que le dirigeant historique de la LCR, Alain Krivine, ait pu qualifier le président vénézuélien, Hugo Chavez, d'« expérience la plus prometteuse de l'Amérique latine ». Mais que son propre nom se retrouve aujourd'hui accolé à celui d'un jeune trader, natif de Pont-l'Abbé, dont le principal fait d'armes serait d'avoir englouti 4,9 milliards d'euros dans les dérivés actions, est une singulière provocation. Et pourtant, le trader désormais le plus connu de la planète a bien été intronisé « Che Guevara de la finance » par un groupe de 43 aficionados ! Au total, l'homme qui a fait plonger la réputation de la Société Générale a été promu star du cyberspace et nouveau Robin des bois de la finance par quelques dizaines de groupes d'utilisateurs du réseau social Facebook.
« Depuis le temps qu'on ne parlait que des économistes anglo-saxons, voici enfin la nouvelle star économique et tendance de l'année ! Cocorico ! », lance un autre groupe d'utilisateurs favorables à l'attribution du prix Nobel de l'économie 2008 à... Jérôme
Kerviel. Plusieurs milliers d'utilisateurs ont rejoint son club de supporters. Les vidéos parodiques sur la campagne « coup de pouce » de la Société Générale mettant en scène « J.K. », font un tabac sur Dailymotion. « Après le pouce horripilant, quel doigt conseillez-vous à la Société Générale : l'index, le majeur, ou l'auriculaire pour se déboucher les écoutilles ? », s'interroge un internaute. Un autre groupe de plaisantins sur Facebook propose d'échanger Daniel Bouton contre Ingrid Betancourt... Mais il ne compte encore que deux membres. D'autres esprits facétieux ont acquis le nom du domaine
www.jeromekerviel.com pour le mettre aux enchères.
Une belle revanche pour le trader « étourdi », dont la page personnelle sur Facebook comptait encore 11 amis visibles, jeudi 24 janvier, lorsque son nom a commencé à circuler. Deux jours plus tard, ses vrais amis ont disparu, mais son fan-club n'arrête pas de s'agrandir sur Internet. Un tel regain inattendu de popularité électronique pourrait contribuer à atténuer les tourments du jeune
Kerviel, un temps surnommé « Tom Cruise » par ses envieux collègues de la Générale. Il laisse néanmoins songeur sur l'échelle des valeurs ou... l'esprit de solidarité de certains internautes. On se souvient de la citation de Cioran : « Les opportunistes ont sauvé les peuples ; les héros les ont ruinés. »
La palme de la causticité revient, toutefois, à l'analyste américain Ed Yardeni, ex-chef économiste de Deutsche Bank Securities à New York, qui a déclaré à « The Independent on Sunday » : « Merci, Jérôme ! La récession est presque terminée grâce à Jérôme
Kerviel et à la réaction de panique de la Fed. »
PIERRE DE GASQUET